Jour 46. Lundi 31 mars 2025.
Deux collègues faisaient leur dernier jour aujourd’hui. Deux pots de départ dans la même journée, c’est plutôt rare. Et pour moi qui déteste les adieux (ou au-revoir longue durée), la journée s’annonce peu productive et à fort risque émotionnel (voir Jour 3)
Il y a d’abord la tristesse liée à ces pages qui se tournent, à ces liens qui se cassent ou se distendent. Et l’inconfort de me retrouver au milieu d’une cinquantaine de personnes, dont une au moins me fait un effet répulsif. Je ne me l’explique pas, mais je me rappelle parfaitement du lieu et du moment. En deux phrases, cette personne a réussi à casser en moi un ressort interne.
Dire bonjour individuellement à chacun ou me faufiler discrètement dans la foule ? Le dilemme, comme toujours, est là mais vite tranché. Je ne me sens pas du tout de me lancer dans un exercice d’hypocrisie. A choisir, je préfère ressentir une vague culpabilité voire honte de passer pour une personne sauvage ou fière.
Pourquoi hypocrisie ? A part cette personne à l’effet répulsif, je n’ai rien contre les personnes déjà présentes. Ce sont pour la plupart des collègues que je croise et à qui je dis bonjour tous les jours. Un bonjour sans contact depuis la folie du Covid. Pourquoi leur serrer la main ou faire la bise juste à cette occasion-là ? Les autres sont des collègues que je ne croise quasiment jamais. Pourquoi leur dire un bonjour individuel quand je ne le fais pas pour mes collègues les plus proches ? Sans oublier la question de comment dire bonjour : en serrant la main ? avec la bise ? le coude ? le poing ?
Trop de questions et d’incohérences potentielles… qui me découragent d’entamer le tour. D’autant que, depuis le Covid et le rejet violent des non-vaccinés par les vaccinés, j’ai un peu de mal avec l’effet « foule ». Phénomène renforcé ensuite par d’autres rejets de la part de personnes proches, personnels cette fois et ressentis tout aussi violemment. Disons que je perçois toujours un fort décalage entre les règles de bienséance sociale (la façade souriante) et les potentiels élans de vindicte populaire d’une foule ou de proches. Donc l’hypocrisie.
Entrainant ma méfiance, ma difficulté à (re)faire confiance. Et ma difficulté à resserrer des liens que je sais précaires, vu mes difficultés à digérer leur fin.
Ce qui m’éloigne un peu des autres, dans un cercle qui pourrait être vicieux si je le prenais personnellement. Disons que j’essaye de suivre mes élans et de prendre les autres comme ils viennent, sans a priori négatif.
La tristesse est venue à la fin du 2ème pot. Je suis partie un peu vite, une fois de plus. Et j’ai mis par écrit ce que je n’ai pas réussi à dire. La distance m’aide et m’apaise. Je ne sais pas ce que j’ai interprété de mes 1000 premiers jours, mais la proximité avec l’Autre n’a pas laissé une marque sécurisante.
Ce même jour j’ai accompli les démarches pour créer ma micro-entreprise. Là encore, les émotions s’emmêlent : joie de créer, agacement devant l’outil informatique peu accommodant, crainte de me tromper ou d’oublier quelque chose d’important, vertige devant la suite à donner car je rends enfin visible mon projet. Que vais-je réussir à faire de tout ça ?
Il est tard et la confiance n’est pas au rendez-vous ce soir. Je remets la question à demain. Demain est un autre jour.