Sous l’abattement, la colère

Jour 63. Jeudi 17 avril 2025.

Encore une journée qui débute sans élan : le ciel est toujours gris, l’air est froid et humide, 8h de réunion au programme.

Dès le matin, je ressens une certaine agitation intérieure, comme des protestations étouffées. D’entrée de jeu Jiminy me fait la leçon : tu devrais dire bonjour individuellement à tout le monde. Ma petite Isabelle n’est pas d’accord : aucune envie de faire semblant. Me voilà le c.. entre deux chaises ! Inconfortable. Je ne bouge pas, mais je ne l’assume pas à 100%. Un premier écart se creuse en moi.

Ensuite, je ressens à plusieurs reprises de la condescendance de la part de mes interlocuteurs. Extérieurement, j’argumente ou je laisse couler selon les cas. Intérieurement, ça ne passe pas. Le fait que je ne sache pas non plus comment répondre pour remettre poliment le condescendant à mon niveau et à sa place ne passe pas non plus. Je m’en veux. Et je me demande pourquoi je me retrouve encore dans ce genre de situations, à devoir lutter quand je désire co-opérer. L’écart intérieur s’aggrandit.

Un peu plus tard, je ressens de la honte. Honte de n’avoir pas su demander quelque chose à quelqu’un. Honte de n’avoir pas eu le courage de l’avouer et d’avoir menti pour me couvrir. Je suis face à un collègue, mais ma petite Isabelle a pris les commandes et se retrouve à nouveau face à son père. Bon sang, à mon âge ! Je me demande pourquoi je me retrouve à devoir demander des choses alors que je déteste ça. Et pourquoi je n’arrive pas à dépasser cette limite-là. La peur du non, donc du rejet ? L’écart ressemble maintenant à une belle faille sismique.

Le midi je suis sollicitée de manière impromptue. Je ne peux apporter qu’une réponse partielle. Je ne me sens pas très utile sur ce coup-là. Ma faille est toujours là.

L’après-midi, je me retrouve en situation de découvrir des initiatives sur un sujet que je suis censée gérer professionnellement. Pas la première fois. Grosse remise en question : est-ce que cela veut dire que je fais mal mon travail ? Que là-haut on ne considère pas mes fonctions ? Ou qu’ils m’ont juste « oubliée » ? Quelle que soit la bonne interprétation, aucune ne m’aide.

Mais la situation ne manque pas d’ironie : je n’en serais pas là si je m’étais écoutée et si j’avais désobéi à mon N+2 il y a 2 ans. Ca m’apprendra, mais la leçon arrive un peu tard… Le cocktail émotionnel est intéressant : peur, colère, honte, culpabilité…

Je repars du boulot avec la sensation d’avoir perdu mon temps et ma confiance, sans aucune motivation pour imaginer un plan d’action, des objectifs. Juste marre. Marre de devoir me battre contre mon camp, de devoir faire ce qui me met à mal, de ressentir encore et encore que ma place et mon rôle ne sont pas (re)connus.

Et sous l’abattement du « j’en ai marre », la colère voire la rage qui couve.

« Rage against the machist » ai-je vu écrit sur une pancarte dans un magazine. Il y a un peu de ça. Rage contre toutes les personnes qui prennent les autres de haut voire les ignorent, qui sont dans une logique d’affrontement alors qu’elles partagent le bateau.

En écrivant cela, je réalise que le fait de ne pas aller dire bonjour individuellement peut passer pour du mépris ou de l’ignorance, qu’une partie de mon rôle étant la défense, je rentre nécessairement dans des rapports d’affrontement.

J’ai envie de fraternité, d’égalité et d’objectifs communs auxquels chacun peut contribuer Sur la base d’un dialogue pour trouver la meilleure solution sans devoir se plier à une règle ou au contraire la contourner.

Si la vie me ramène toujours à ces situations, où ma place est remise en question, c’est que je n’ai pas encore compris la leçon.

Si je suis en colère contre moi, peut-être est-ce parce que je n’arrive toujours pas à m’écouter jusqu’au bout pour lâcher ce qui ne me convient plus ?

Dois-je lâcher ma place dans l’entreprise pour m’écouter au risque de ne pas m’affirmer ? Ou au contraire me battre pour m’affirmer au risque d’y perdre davantage de confiance et d’énergie ? Ou quelque chose entre les deux ?

M’affirmer sur ce qui me plait et lâcher ce qui me pompe de l’énergie. Clarifier mes objectifs, mes limites et me positionner en fonction, selon les situations.